Une volonté de nous faire honte du fait de nous soucier des animaux

Extrait de « Réflexions sur la Veggie Pride » de David Olivier

La végéphobie

... Par son nom, évidemment, la Veggie Pride fait référence aux Gay Pride, puis Lesbian and Gay Pride, qui se déroulent dans de nombreuses villes depuis les années 1970. Je pense que le parallèle est fructueux, et que certains concepts militants homos s'appliquent aussi bien dans le cas du végétarisme. En particulier, on peut repérer et dénoncer dans nos sociétés une végéphobie, une hostilité envers les personnes qui refusent leur participation au grand massacre. Par la Veggie Pride nous revendiquons le fait de « sortir du placard ». Mon expérience personnelle, et le témoignage d'autres personnes, me font penser que c'est loin d'être toujours facile, et que nous devons faire face pour cela à une réelle volonté de nous faire honte du fait de nous soucier des animaux non humains.

Lorsqu'un crime collectif se commet, on se méfie de la personne qui refuse d'y participer ; on a du mal à croire qu'elle ne porte pas de jugement, qu'elle ne condamne pas en silence, et qu'un jour elle ne dénoncera pas. La végéphobie témoigne ainsi implicitement du fait que, dans le fond, tout le monde sait que nous avons raison ; tout le monde sait que tout le monde devrait cesser de manger les animaux. Cette honte qu'on nous renvoie, ce « Hitler était végétarien » qu'on nous lance avec tant de désinvolture, ne sont que l'envers de la honte qu'éprouvent les personnes qui participent à ce crime collectif.

Il y a de trente-six façons pour le végétarisme d'être « dans le placard ». Le premier placard, c'est celui de tant de personnes qui mangent la viande, en refoulant toute interrogation au sujet de cet acte. D'autres admettent leurs doutes, mais ne sautent pas le pas, devant la pression de la famille, des collègues, des clients, des amies. D'autres sont végétariennes, mais chez elles seulement, lorsque personne ne les regarde. D'autres le sont pour de bon mais en évitant les repas de famille, en apportant leurs sandwichs au travail plutôt que d'aller à la cantine, en fuyant toutes les occasions où on risquerait de remarquer leur... particularité.

Un mot sur les cantines : puisque les végétarien-ne-s se cachent, les cantines sont rarement confrontées à l'exigence de repas sans viande. Mais quand elles le sont, elles semblent manifester une résistance toute spécifique, que ne justifient pas les contraintes techniques mises en avant. Elles accepteront plus facilement de préparer d'autres types de repas particuliers. Il est à noter qu'un même repas sans viande peut facilement satisfaire aussi aux exigences juives et musulmanes - et peut même satisfaire tout le monde ! Du point de vue de l'organisation, un menu unique, végétalien, constituerait une simplification et non une complication. Mais tout se passe comme si les viandistes non seulement se permettaient de manger les animaux, mais se sentaient dans l'obligation de le faire.

Le végétarisme n'est pas interdit par nos lois, mais tend à être considéré comme un signe de sectitude par les autorités, et, en tant que tel, subit une répression officieuse. Par ailleurs, les autorités médicales françaises mentent systématiquement au sujet du végétarisme et encore plus du végétalisme, diffusant l'idée de l'impossibilité d'une alimentation humaine indépendante de l'exploitation animale1. Ces avis aberrants font planer une menace légale contre les personnes qui veulent élever leurs enfants sans viande ; cela n'est pas un motif suffisant pour les leur retirer, mais fera figure de circonstance aggravante en cas de problèmes sociaux ou autres. En même temps, il sera plus difficile à ces parents de trouver des conseils pédiatriques et diététiques objectifs et adaptés, l'attitude du corps médical se cantonnant souvent dans le rejet. En somme, si le viandisme n'est imposé par aucune loi écrite, sa remise en question est systématiquement marginalisée.

Commentaires

1. Le mardi 12 janvier 2010, 08:17 par Loulou

Il y a un terme employé par les végés qui personnellement me heurte c'est le terme "animaux non humains". C'est un contresens puisque la distinction humain-animaux est tout de même très précise, ce qui n'implique pas pour autant de martyriser et de manger les seconds. Et c'est aussi le genre de dialectique qui ne fait que nous desservir en nous faisant passer pour des associaux. Etre Humain c'est la capacité a concevoir son univers et donc pouvoir le changer et l'améliorer. C'est exactement ce que nous végés essayons de faire. De plus c'est un très mauvais argument d'un point de vue tactique, puisque la plupart de nos contemporains refusent consciemment ou pas d'être "ravalés" au rang des animaux, et cela ne peut que les heurter.
Sinon, je trouve cet article très interessant, notamment la notion de crime collectif auquel on nous reproche de ne pas vouloir participer.
A ce propos, quand on me sort Hitler végétarien j'éclate de rire et je dis que c'est curieux qu'on ne boycotte pas les autoroutes puisque Hitler a fait construire les premieres autoroutes en Europe."

2. Le dimanche 31 janvier 2010, 02:07 par Queensy

Salut Loulou ,

juste pour te dire que ne t'en déplaise ... et n'en déplaise à tous les mangeurs d'animaux ... un être humain est un animal ... donc l'emploi du terme "animal non-humain" pour une vache par exemple est tout à fait justifié et légitime ...

Les humains sont des animaux ... on apprend ça assez tôt à l'école ... en cours de sciences naturelles (SVT) ...

Après, que l'être humain se considère + "intelligent" que les autres animaux ... ok ...
Mais en quoi l' "intelligence" ou la conscience seraient des critères ?

Un guépard court à plus de 70 km/h ... il est donc + rapide que les humains ... si on décide que le critère "vitesse" est primordial ... on peut en déduire que l'être humain est un animal ... alors que le guépard n'en est pas un ... puisqu'il est + rapide ... donc le guépard est un ... humain ! ^^

3. Le lundi 15 novembre 2010, 12:57 par Magalia

A Loulou :
Effectivement, le terme "animaux non-humains" n'est pas un terme inventé par les végétariens mais un terme d'éthologie ( étude du comportement animal); L'être humain n'est ni un végétal, ni un mineral mais bien un animal au sens biologique du terme. Les éthologues se sont aperçus, en étudiant le comportement animal que la frontière entre humains et animaux étaient totalement artificielle et basée sur quelque chose qui n'a rien de "scientifique". Mais briser cette frontière, c'est briser un tabou qui peut paraître inacceptable pour les gens parce que le mot "animal" renvoie à tout ce qu'il y a de négatif et de dégradant chez l'homme. Là encore c'est une pure création du langage qui n'a rien d'objectif. Dire que les gens se comportent "comme des animaux" ne veut rien dire d'un point de vue éthologique; de même dire "nous ne sommes pas des animaux" pour signifier " nous méritons le respect" n'est qu'une vue de l'esprit et n'a rien d'objectif.
Un linguiste avait fait remarquer que dans la plupart des langues occidentales, tout ce qui se rapportait à la couleur noir et au mot sombre se rapportait à des choses extrêmement négatives et maléfiques et a souvent justifier tous les arguments spécieux contre les noirs au cours de derniers siècles.
Il ne faut pas oublier que c'est souvent par la langue que l'on recrée le monde, définit des barrières entre les êtres et invente des tabous et des totems.(entre autre choses, bien sûr, la religion et les idverses croyances jouant aussi des rôles prépondérants...)
POur un dernier rappel : le premier à avoir oser briser ce tabou de frontière entre humains et animaux a été Darwin et l'on oublie trop souven qu'il a aussi "osé" dire que l'être humain n'a pas de système digestif fait pour l'alimentation carnée...

4. Le samedi 13 mai 2017, 00:01 par Sacha

Bonjour,

Je trouve que c'est totalement déplacé de faire une comparaison entre la marche des fiertés et la veggie pride. La marche des fierté trouve son origine dans des révoltes faites par des personnes MOGAI (Marginalized Orientation Gender identities And Intersex - soit la version inclusive de LGBT) et racisées en réponse aux violences policières et à la fermeture des lieux MOGAI. Ces populations regroupent des personnes qui sont opprimées d'une manière systémique (soit le fait que le système et les institutions intègrent des pratiques qui discriminent directement ou pas ces personnes, et qui implique une normalisation de ces discriminations). Cela a très souvent des conséquences très négatives sur les conditions de vie des oppressés (précarité, violences physiques/ verbales/ symboliques, difficulté d'accès aux droits/ logements/ soins, internalisation des oppressions, hausse de risques aux maladies/ suicicdes etc.).

Seulement, je ne vois pas où les vegans sont opprimés de manière systémiques. A la limite, dire que les animaux comptent parmi les nombreuses victimes du capitalisme me paraît déjà plus juste : ce sont eux les opprimés. Les vegans subissent éventuellement une certaine stigmatisation liée à leur contradiction vis-à-vis d'une certaine morale et de beaucoup de normes, et peuvent subir certaines conséquences négatives, mais cela n'ira probablement jamais plus loin. Je n'ai jamais vu de vegan mourir, se voir refuser un logement ou un emploi parce qu'il était vegan (sans parler de violence policière en manif car ne cela ne touche pas que les manifs veganes). Toutefois, cela arrive à des personnes racisées, MOGAI, à des femmes etc.; et à plus forte raisons lorsque les personnes cumulent les oppressions. Concernant la question de l'accès aux soins ou de d'éventuellement retraits d'enfants vegans à leurs parents, la question peut effectivement être plus délicate mais bien que les vegans se heurtent facilement à des préjugés de la part des médecins, cela n'impactera pas leur accès aux soins comme le ferait une oppression systémique (par exemple, vous entendez beaucoup de prévention autour des maladies sexuellement transmissibles/ risques sexuels chez les populations MOGAI ? Vous connaissez l'endométriose ?), bien que cela puisse se révéler très contraignant, surtout en cas hospitalisation.

Par ailleurs, être vegan implique certains privilèges financiers:cela peut coûter moins cher si l'on achète des produits non transformés, mais il ne faut pas oublier que s'impliquer dans un nouveau mode de vie coûte du temps, et que tout le monde n'en n'a pas, notamment dans les classes populaires. De plus, certains produits, comme les fruits secs/ oléagineux, les pulls en chanvre ou le cuir de champignon, restent très onéreux et/ ou difficiles d'accès.

Ainsi, le parallèle entre une oppression systémique telle que l'homophobie et ce que vous nommez "végéphobie" est déplacé et hors de propos. Les véritables victimes de l'industrie de la viandes sont les animaux et les populations humaines exploitées pour répondre aux besoins de la consommation. Les vegans ne font que relayer une parole et soutenir ces luttes mais n'en sont pas les victimes. Ils en subissent le corollaire. Non, cela n'est pas agréable, oui cela peut mettre en colère mais cela n'est pas une raison pour se victimiser et invisibiliser les autres luttes (comme, avouons le, les vegans ont tendance à le faire : avec 269life ce 10 mai dernier par exemple.).