Bébé meurt, le végétalisme est accusé

Comment un triste fait divers devient l'occasion pour diffamer le végétalisme :

Etre végétalien et allaiter: les médecins sont contre

Un bébé est mort de manque de soins et malnutrition. Sa mère était végétalienne. Pour les médecins, le lien est évident.

Le Post, 04/04/2008

Première imposture : affirmer un lien causal non prouvé

Le sous-titre donne pour « évidente » une évaluation qui ne se fonde pas sur des faits avérés mais sur des suppositions, comme le montre une lecture critique de ce qui suit. Mais le lecteur pressé ne retiendra que le titre.

C'est quoi cette histoire ? Louise avait 11 mois. Elle est morte le 25 mars parce que ses parents l'avaient mal soignée et mal nourrie. Elle souffrait d'une bronchite et d'une diarrhée non soignées. D'autre part, le bébé était exclusivement alimenté au sein de sa mère qui était végétalienne.

Deuxième imposture : minimiser un élément décisif, exagérer un élément secondaire

Selon les consignes officielles, la diversification alimentaire doit commencer vers 6 mois. Par exemple, le site Mangerbouger affirme : « Jusqu’à 6 mois le lait - maternel ou préparation infantile - couvrait parfaitement tous les besoins de bébé. Mais bébé a grandi. Et cela ne lui suffit plus. Il va donc falloir introduire dans son alimentation les nouveaux éléments nécessaires à sa croissance. » On peut en déduire qu'un bébé de 11 mois exclusivement allaité au sein sera forcément carencé, quelle que soit l'alimentation de la mère. Mais dans le récit de cette histoire, pratiquement aucune place n'est donnée à cet élément décisif : l'attention du lecteur est détournée sur les carences que l'alimentation végétalienne est censée provoquer.

Faut-il faire un lien entre le régime alimentaire de la mère et le décès de l'enfant ? Rien n'est encore sûr, mais c'est probable. Pour le professeur Dominique Turck, pédiatre à l'hôpîtal Jeanne de Flandres de Lille interrogé sur RTL, la maman "devait être carencée probablement en vitamines B12 mais aussi en fer et en d'autres nutriments".

Troisième imposture : tirer une conclusion de faits non avérés

La ronflante « évidence » du sous-titre se transforme en une plus modeste « probabilité », et encore on ne comprend pas sur quoi se base la déclaration du professeur Turck, vu que des informations sûres ne sont pas disponibles. Il est bien connu que la vitamine B12 ne se trouve pas dans les végétaux, mais il suffit aux végétaliens de prendre régulièrement un complément pour avoir des réserves bien suffisantes, et d'augmenter la dose en cas de grossesse et d'allaitement pour assurer un bon apport au bébé. La déclaration du professeur Turck aurait donc été correcte s'il avait précisé que la femme en question ne prenait pas de compléments : mais était-ce le cas ? En savait-il quelque chose ?

Pour ce qui est du fer, une alimentation végétalienne équilibrée n'en est pas spécialement carencée. Par ailleurs, on conseille à toutes les femmes enceintes de prendre des compléments de fer, quelle que soit leur alimentation. Par conséquent, aucun lien particulier n'est à établir entre la carence en fer « probable » de cette mère et son végétalisme.

Concrètement, le bébé souffre de quoi ? L'enfant est lui-même carencé et souffrira de problèmes de croissance, d'anémie (manque de globules rouges) ou d'un mauvais développement neurologique.

Quatrième imposture : procéder à une induction illégitime

Par un glissement syntactique subtil, l'imparfait de la narration d'une histoire spécifique se transforme en un présent qui prétend expliquer une vérité universelle. Mais une démonstration par induction ne recquiert-elle pas un certain nombre de cas singuliers (et qu'ils soient bien vérifiés !) avant de passer à des conclusions générales ? Sur quelles statistiques se base cette affirmation selon laquelle un enfant végétalien ne peut pas être en bonne santé ?

Une mère végétalienne ne peut donc pas allaiter son enfant ? Si, "sous réserve qu'on ait des conseils médicaux", prévient le pédiatre. Sinon, "ce type d'alimentation est totalement inapte pour un petit", poursuit-il.

Cinquième imposture : vanter une assistance médicale inexistante

L'alimentation végétalienne n'est donc pas impraticable : il suffit de prendre quelques précautions.

Sauf que la plupart des généralistes, gynécologues et pédiatres sont incapables de donner des conseils médicaux complets aux végétaliens. Pour reprendre le cas de la vitamine B12, il est très rare que les professionnels de santé prennent l'initiative de vérifier si leurs patients végétaliens ont un bon apport de B12 ; ce sont souvent ces derniers qui demandent de faire des contrôles. Mais le but de l'article est de faire de la propagande végéphobe, pas de dénoncer les... carences du corps sanitaire national.

Le bébé avait de multiples infections. De nouveau, y a-t-il un lien avec le végétalisme ? En partie, oui. Mal nourri, l'enfant ne peut pas fabriqué (sic) d'anticorps: "S'il a la moindre infection, il est incapable de se défendre et il va en mourir, simplement parce que son organisme ne peut pas lutter contre cette infection", explique sur RTL le nutritionniste Jean-Michel Cohen.

Sixième imposture : diffamer

Toujours le présent de la soi-disant vérité universelle : mis de côté le cas spécifique présenté - sur lequel l'article ne donne toujours pas d'informations certaines - le végétalisme tout court est stigmatisé en tant que « mauvaise nutrition » : de là à suggérer au lecteur que tous les parents végétaliens sont coupables de mauvais traitements, il suffit d'un rien.

Et celui-ci d'ajouter : "Les végétaliens associent souvent ça à un refus des médicaments.Vous comprenez bien que l'association de la baisse de la défense immunitaire avec la non prise de médicaments conduit irremédiablement à la mort."

Septième imposture : ridiculiser

Et voici la cerise sur le gâteau : les végétaliens refusent même de se soigner ! Une affirmation qui ne se base sur aucun élément défini (articles, statistiques...) mais qui intègre parfaitement le portrait courant que l'on fait des végétaliens : celui de gens extravagants et irresponsables. Un portrait bien ridicule et désagréable ; sa fonction est de susciter la désapprobation sociale envers les personnes qui refusent de manger les animaux.

Conclusion. Le vrai enjeu : stigmatiser les végétaliens pour exorciser la question du meurtre des animaux.

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